L’intervention de l'ergothérapeute concernant l'observance thérapeutique des personnes Hémodialysées
Par Claire
LACROIX
Ergothérapeute libérale à Paris
Les études en ergothérapie m’ont amené à m’intéresser à
divers milieux, centres et services (para)médicaux hétéroclites.
C’est alors posé la question du travail de fin d’études...
Pourquoi pas dans un service si particulier pour un métier encore peu connu de
nos jours : dialyse et ergothérapie.
Tout d’abord une présentation de l’ergothérapie est à
aborder. Cette profession paramédicale a pour mission d’accompagne les
personnes présentant un dysfonctionnement (physique, psychique et/ou social)
afin de recouvrir une autonomie optimale en tenant compte des rôles sociaux, de
l’environnement et des capacités de la personne. L’ergothérapeute précise un
cadre thérapeutique en proposant des mises en situation concrètes. Des
aménagements et des réadaptations sont ainsi envisagés.
A ce jour, peu d’établissement d’hémodialyse présente cette
profession, ils sont au nombre de deux en Belgique et l’ergothérapie n’est pour
l’instant pas représentée dans ces services en France. Or, au fur et à mesure
de mon immersion en dialyse, les divers rôles et domaines d’intervention de
l’ergothérapeute furent plus concrets. En plus du domaine occupationnel dont
l’activité (peinture sur soie, lecture, musique, mosaïque etc.) devient un
médiateur entre le patient et le thérapeute, une baisse de l’angoisse liée à la
séance et une notion moins importante de « temps perdu » lors de ces
heures de dialyse, le domaine relationnel est primordial. L’activité permet
également de revaloriser la personne et développer parfois un hobby, un sens à
la séance de dialyse. La démarche fonctionnelle avec l’accompagnement des
patients dans leurs projets de vie améliore la vie quotidienne comme la mise en
place d’une aide technique comme un pilulier. Des conseils adaptés permettent
d’accompagner les personnes dans le quotidien comme être en position assise
lors de la préparation de repas pour limiter la fatigue notamment due à la
dialyse. L’ergothérapie n’influence pas la pathologie rénale mais essaie
d’adapter la personne aux multiples contraintes de sa nouvelle vie. Pour cela,
l’ergothérapeute va auprès de la personne lors des séances de dialyse.
Au sein d’un service d’hémodialyse (HD) hospitalière
Bruxellois, une problématique récurrente à porter mon intérêt : l’observance
thérapeutique. Effectivement, c’est un sujet fréquemment conversé lors des
réunions pluridisciplinaires du service où l’ergothérapeute est également sujet
à observer, évaluer, analyser les raisons d’une possible mauvaise observance en
concertation avec les professionnels.
Dans ce contexte le but de mon travail de fin d’études fût
de déterminer comment l’ergothérapeute peut favoriser l’observance
thérapeutique et plus particulièrement la gestion des médicaments de personnes
hémodialysées.
L’observance concerne « la façon dont un patient suit
ou ne suit pas les prescriptions médicales et coopère à son traitement »1.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la mauvaise
observance au traitement des maladies chroniques est un problème mondial qui
s’amplifie. Leur conclusion vient d’une étude démontrant que, dans les pays
développés, la proportion de malades chroniques respectant leur traitement
n’est que de 50% avec des conséquences graves sur la santé et un coût
considérable pour la collectivité.2
D’après ASSAL J-Ph et GOLAY A.,
chez le patient chronique, la non-observance au traitement concernerait 30 à 70
% des patients3 d’où mon intérêt pour cette problématique. La
conséquence principale de ce comportement est l’inefficacité du traitement
pouvant aller vers une rechute de la pathologie, des complications médicales,
psychosociales, diminuer la qualité de vie des patients et développer des
pharmaco-résistances. Un gaspillage des ressources est notamment une
conséquence dont il faut tenir compte.
L’intervention est orientée vers une vision globale de la
personne ainsi que sur un accompagnement dans la gestion du traitement
médicamenteux en complémentarité avec l’équipe pluridisciplinaire (constituée
d’infirmier(e)s, de médecin néphrologues, d’aides soignant(e)s, d’un(e)
assistant(e) social(e), d’un(e) diététicien(ne), d’un(e) psychologue, d’un(e)
kinésithérapeute et d’un(e) ergothérapeute au sein de l’unité d’HD hospitalière
de l’hôpital Erasme de l’université libre situé à Bruxelles). Effectivement, au
cours des dernières décennies, le patient était considéré comme la seule cause
du problème de la non-observance.
1 Larousse Médical Edition 1006, p.690
2 Organisation Mondiale de la Santé, Adherence to Long-Term Therapies :
Evidence for Action, 2003, 211 pages
3 ASSAL J-Ph., GOLAY A., Le suivi à long terme
des patients chroniques: les nouvelles dimensions du temps thérapeutique, Médecine et Hygiène, 2001, 2353:
1446-1450
Des causes telles que la difficulté de gérer le grand nombre
de comprimés à avaler, la nécessité de boire pour prendre les médicaments (la
personne préférant boire pour étancher sa soif) et l’âge des patients furent
évoquées.
Le rôle d’observateur, d’analyse et d’intervention de
l’ergothérapeute m’a apporté une aide à la compréhension de cette problématique
et de palier cette situation de handicap dans le but que la personne réalise
pleinement ses habitudes de vie. Il me semble par ailleurs judicieux de
préciser que la présence de l’ergothérapie en hémodialyse est récente et aucun
outil, aucune méthodologie n’a été mis en place concernant la gestion du
traitement médicamenteux. Ce projet a donc pour but de mettre en évidence les
actions menées par un ergothérapeute au sein de ce service afin d’améliorer
l’observance thérapeutique des patients.
L’échantillon est constitué de 7 patients dont 3 hommes et 4
femmes de 47 à 83 ans. Par ailleurs seuls 4 patients ont été suivis à long
terme, à 2 et 4 mois, suite au refus de poursuivre l’étude, un changement
brutal d’hôpital et un décès. La durée totale de l’étude étant décomposée en 3
temps : le premier concernant 2 mois d’insertion au sein du service et de
l’équipe du service et une évaluation au bout de 2 mois puis de 4 mois après ce
stage.
Dans un premier temps, l’observation des paramètres
biologiques ont permis aux médecins d’HD de suspecter une mauvaise observance à
un ou plusieurs traitements médicamenteux pourtant prescrits à la personne
hémodialysée. Par la suite, des discussions et une anamnèse furent
indispensables à la prise de contact avec la personne. Tout comme des
entretiens avec les proches de la personne où sont abordés les thèmes
concernant le rapport à la maladie, les conséquences de celle-ci et la présence
de l’hémodialyse dans la vie quotidienne, les répercussions physiques,
psychologiques et socioprofessionnelles. Le plan cognitif, émotionnel et
comportemental de chaque sujet sont ainsi analysés. Puis une évaluation à
l’aide d’un canevas et d’une mise en situation précédemment utilisé lors d’un travail portant sur la gestion
des médicaments en gériatrie aiguë : proposition d’une méthode
d’évaluation. Les mises en situation permettent de connaître les aptitudes des
personnes concernant la compréhension et la manipulation de divers types de
médicaments. La capacité de lire et gérer un pilulier est également entreprise.
Le second temps fut consacré à l’analyse des résultats et à
la mise en place d’un plan d’intervention individuel en insistant sur
l’éducation, l’information et l’écoute des sujets étant donné les résultats des
évaluations.
Effectivement, ces premières constatations ont démontré que
la principale raison de la mauvaise observance auprès des sujets étudiés concerne
le manque de connaissances concernant la maladie et/ou le traitement
médicamenteux. A quoi sert ce cachet
blanc, quels sont les effets du comprimé jaune ainsi que le petit carré que je
prends chaque soir ? Quel risque y’aurait-il a prendre la pilule rouge au
lieu de la pilule orange ? Et si je l’oublie ?
J’ai donc entrepris d’utilisé une approche guidant les
prises en charge : l’approche psycho-éducative. Comprenant une visée
éducative et thérapeutique, elle semble adéquate pour cette étude. Sa dimension
psychologique, importante dans une situation où le traitement de dialyse change
catégoriquement la vie quotidienne d’une personne, avec le travail de deuil lié
aux pertes que provoque la maladie, et une dimension comportementale grâce à
l’utilisation d’outils, à la fois pédagogiques et/ou thérapeutiques me semblent
nécessaire à l’observance.
Ainsi, ma réflexion s’est portée sur les thèmes à aborder
pour améliorer les connaissances des patients selon leurs attentes et besoins.
Cela m’a amené à identifier ces thèmes :
La nature de la maladie,
Les causes de la maladie,
Les symptômes de celle-ci,
Les traitements (dont la description de chaque médicament),
L’importance des proches de la personne,
Les conseils pratiques pour mieux vivre sa maladie et
Les services d’aides existants.
Comme tout professionnel (para)médical, l’ergothérapeute
doit mettre au point des prises en charge adaptées à chacun. Une explication
systématique des médicaments prescrits et leurs effets a également permis aux
personnes de s’intéresser davantage à ces pilules bleues, rouges ou blanches
grâce à l’intervention de médecins. Par exemple, la création d’un support écrit
sous type de brochure où se situe les informations concernant sa propre
maladie, ses raisons, ses symptômes, ses conséquences et les modalités de
traitement selon le niveau de compréhension et de familiarisation avec le
jargon médical de la personne fut mis en place avec le patient. Conseiller et
sensibiliser l’entourage permet également de stimuler la prise médicamenteuse et
de son importance tout comme être à l’écoute des besoins de la personne et de
ses proches.
L’accès aux connaissances fût l’une des priorités tout comme
l’adaptation de la gestion des médicaments grâce à une aide technique très
répandue mais pourtant peu adaptée aux capacités et besoins des personnes :
le pilulier. Connait-on vraiment tous les
types de piluliers présents sur le marché ? Lequel serait le plus adapté à
ma situation ? Quel est son coût ? Comment l’utiliser ? Des
questions que beaucoup se posent sans réponse concrète.
La stimulation par
la parole, l’écoute et surtout la présence au fur et à mesure des séances
d’hémodialyse fut également un élément indispensable à l’étude. Par exemple,
des oublis fréquents de prise des médicaments ont simplement été palliés grâce
à des alarmes dans le téléphone portable de celui-ci. Un homme au rythme de vie
actif avec des sorties au restaurant, chez des amis et avec sa famille se
sentait « gêné » d’apporter une trousse de médicaments chargée et contraignante
lors de ces sorties. Elle évoquait constamment le sujet de la maladie auprès du
cercle amical et familial. C’est pourquoi un pilulier à compartiments
détachables et au volume nécessaire compte tenu du nombre conséquent de
comprimés fut organisé avec l’aide des pharmaciens.
Il m’a fallu solliciter les relations entre
patients-soignants également pour perfectionner la vision de la personne
hémodialysée. Celle-ci doit davantage se sentir patient actif que malade
passif, et les soignants comme émetteur et destinataire d’informations.
Il ne faut pas oublier que toutes ces prises en charge se
sont déroulées au sein du box d’hémodialyse où se trouve 6 patients. Le manque
d’intimité n’incitant donc pas les entretiens davantage personnels, toutefois,
un climat de confiance s’est instauré et m’a permis de dialoguer avec chacun
des sujets. Les temps d’activités de type occupationnelles ont notamment permis
de se connaître l’un l’autre.
Après 2 mois au sein
du service, un laps de temps de deux mois supplémentaires puis de 4 mois a
permis d’évaluer à long terme la pertinence ou non de l’intervention
ergothérapeutique. Pour cela, j’ai utilisé un outil qui m’a semblé adéquat pour
connaître le point de vue essentiel des sujets à l’étude : un
questionnaire d’opinion comprenant le statut de la gestion des médicaments
(d’excellente à mauvaise), le niveau de connaissances du traitement
médicamenteux (d’excellent à médiocre) et des observations et commentaires
personnels. Evidemment, l’analyse des paramètres biologiques par les médecins
du service et des entretiens avec les patients et leurs proches ont aiguillé
les questionnaires d’opinion.
Il s’est avéré que deux mois après mon passage tous les
résultats sanguins se sont stabilisés (tout comme le poids des patients,
paramètre indispensable à la durée de la séance de dialyse), révélant selon les
médecins une observance thérapeutique.
Les questionnaires d’opinion ont quant à eux mis en évidence
que deux patients considéraient la gestion de leur traitement comme
« bonne » avant et après l’intervention. Les deux derniers
considéraient que celle-ci à évoluer de « mauvaise » à
« bonne ». Il est à noter que les raisons d’incompliance des deux
premières personnes sont des surdosages et une automédication pouvant
influencer la perception de leur gestion. Par rapport au niveau de
connaissances, les quatre personnes estimaient ne pas connaître leur traitement
avant le projet et considèrent à ce jour connaître l’effet de chaque médicament
prescrit.
Ces résultats montrent que des changements sont présents
tant au niveau de la perception de la gestion des médicaments que des
connaissances. Cependant, il reste complexe d’établir un lien objectif entre
ces changements de perceptions et l’observance thérapeutique, des facteurs
externes ou internes ont également pu l’influencer.
Dans cette perspective, les résultats démontrent que
l’intervention ergothérapeutique facilite l’observance thérapeutique.
L’ergothérapeute apporte une aide à la compréhension de l’indépendance et
l’autonomie dans la vie quotidienne et agit en complémentarité avec l’équipe et
la personne hémodialysée. Ce professionnel détient une implication dans
l’évaluation, l’adaptation de la gestion des médicaments mais aussi dans
l’explication, l’information et le conseil auprès de la personne et de son
entourage.
Néanmoins, je me rends bien compte que ce projet ne
représente qu’une pièce à l’édifice et suscite d’autres perspectives :
L’importance de l’éducation thérapeutique lors de maladie
chronique,
La validation d’une évaluation objective pour déterminer les
causes d’une mauvaise observance, les perceptions de la maladie et du
traitement ainsi que le niveau d’aide de l’entourage,
Obtenir des échantillons représentatifs et des outils
validés dans le but de quantifier le pourcentage de personnes incompliantes et
qualifier les raisons de cette non-observance,
la transposition d’un tel projet au niveau de toutes les
maladies chroniques car l’observance est une variable dynamique dans le temps,
elle peut être bonne ou mauvaise à tout moment et c’est le fruit d’un équilibre
physique, psychique, économique et social.
Outre l’intérêt porté à ce projet, cette immersion fût d’une
grande richesse autant professionnelle que personnelle. Mes études m’ont
pleinement permis de prendre conscience des conséquences d’une maladie chronique
et plus précisément lorsqu’un traitement par hémodialyse est entrepris. Ce
changement de vie important nécessite un suivi rigoureux de son traitement,
c’est pourquoi il me semble nécessaire de s’intéresser à ce sujet quelque soit
la profession occupée au sein du service afin d’obtenir une association des
compétences et de cibler la problématique au mieux.
Dans le cas de l’ergothérapie, c’est une profession peu
répandue en France au sein des services de dialyse. Et même si je porte un grand intérêt à celui-ci,
je me suis orientée après mon diplôme vers le secteur libéral en région
parisienne. En effet, c’est également une sphère peu connue de ce métier.
Beaucoup de personnes sont étonnées de rencontrer des ergothérapeutes exerçant
en libéral, pourtant, nous intervenons auprès de toute population en situation
de handicap afin de recouvrir une autonomie et une indépendance optimale.
Claire
LACROIX,
Ergothérapeute
L’intervention
ergothérapeutique dans l’observance théapeutique de personnes hémodialysées, LACROIX C., Travail de fin d’études
présenté en vue de l’obtention du titre de Bachelier en Ergothérapie, Année
académique 2011-2012, HELHa, Montignies-Sur-Sambre, Belgique, 65 pages
L’INTERVENTION DE L’ERGOTHERAPEUTE CONCERNANT L’OBSERVANCE
THERAPEUTIQUE DE PERSONNES HEMODIALYSEES
Les études en ergothérapie m’ont amené à m’intéresser à
divers milieux, centres et services (para)médicaux hétéroclites.
C’est alors posé la question du travail de fin d’études...
Pourquoi pas dans un service si particulier pour un métier encore peu connu de
nos jours : dialyse et ergothérapie.
Tout d’abord une présentation de l’ergothérapie est à
aborder. Cette profession paramédicale a pour mission d’accompagne les
personnes présentant un dysfonctionnement (physique, psychique et/ou social)
afin de recouvrir une autonomie optimale en tenant compte des rôles sociaux, de
l’environnement et des capacités de la personne. L’ergothérapeute précise un
cadre thérapeutique en proposant des mises en situation concrètes. Des
aménagements et des réadaptations sont ainsi envisagés.
A ce jour, peu d’établissement d’hémodialyse présente cette
profession, ils sont au nombre de deux en Belgique et l’ergothérapie n’est pour
l’instant pas représentée dans ces services en France. Or, au fur et à mesure
de mon immersion en dialyse, les divers rôles et domaines d’intervention de
l’ergothérapeute furent plus concrets. En plus du domaine occupationnel dont
l’activité (peinture sur soie, lecture, musique, mosaïque etc.) devient un
médiateur entre le patient et le thérapeute, une baisse de l’angoisse liée à la
séance et une notion moins importante de « temps perdu » lors de ces
heures de dialyse, le domaine relationnel est primordial. L’activité permet
également de revaloriser la personne et développer parfois un hobby, un sens à
la séance de dialyse. La démarche fonctionnelle avec l’accompagnement des
patients dans leurs projets de vie améliore la vie quotidienne comme la mise en
place d’une aide technique comme un pilulier. Des conseils adaptés permettent
d’accompagner les personnes dans le quotidien comme être en position assise
lors de la préparation de repas pour limiter la fatigue notamment due à la
dialyse. L’ergothérapie n’influence pas la pathologie rénale mais essaie
d’adapter la personne aux multiples contraintes de sa nouvelle vie. Pour cela,
l’ergothérapeute va auprès de la personne lors des séances de dialyse.
Au sein d’un service d’hémodialyse (HD) hospitalière
Bruxellois, une problématique récurrente à porter mon intérêt : l’observance
thérapeutique. Effectivement, c’est un sujet fréquemment conversé lors des
réunions pluridisciplinaires du service où l’ergothérapeute est également sujet
à observer, évaluer, analyser les raisons d’une possible mauvaise observance en
concertation avec les professionnels.
Dans ce contexte le but de mon travail de fin d’études fût
de déterminer comment l’ergothérapeute peut favoriser l’observance
thérapeutique et plus particulièrement la gestion des médicaments de personnes
hémodialysées.
L’observance concerne « la façon dont un patient suit
ou ne suit pas les prescriptions médicales et coopère à son traitement »1.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la mauvaise
observance au traitement des maladies chroniques est un problème mondial qui
s’amplifie. Leur conclusion vient d’une étude démontrant que, dans les pays
développés, la proportion de malades chroniques respectant leur traitement
n’est que de 50% avec des conséquences graves sur la santé et un coût
considérable pour la collectivité.2 D’après ASSAL J-Ph et GOLAY A.,
chez le patient chronique, la non-observance au traitement concernerait 30 à 70
% des patients3 d’où mon intérêt pour cette problématique. La
conséquence principale de ce comportement est l’inefficacité du traitement
pouvant aller vers une rechute de la pathologie, des complications médicales,
psychosociales, diminuer la qualité de vie des patients et développer des
pharmaco-résistances. Un gaspillage des ressources est notamment une
conséquence dont il faut tenir compte.
L’intervention est orientée vers une vision globale de la
personne ainsi que sur un accompagnement dans la gestion du traitement
médicamenteux en complémentarité avec l’équipe pluridisciplinaire (constituée
d’infirmier(e)s, de médecin néphrologues, d’aides soignant(e)s, d’un(e)
assistant(e) social(e), d’un(e) diététicien(ne), d’un(e) psychologue, d’un(e)
kinésithérapeute et d’un(e) ergothérapeute au sein de l’unité d’HD hospitalière
de l’hôpital Erasme de l’université libre situé à Bruxelles). Effectivement, au
cours des dernières décennies, le patient était considéré comme la seule cause
du problème de la non-observance.
1 Larousse Médical Edition 1006, p.690
2 Organisation Mondiale de la Santé, Adherence to Long-Term Therapies :
Evidence for Action, 2003, 211 pages
3 ASSAL J-Ph., GOLAY A., Le suivi à long terme
des patients chroniques: les nouvelles dimensions du temps thérapeutique, Médecine et Hygiène, 2001, 2353:
1446-1450
Des causes telles que la difficulté de gérer le grand nombre
de comprimés à avaler, la nécessité de boire pour prendre les médicaments (la
personne préférant boire pour étancher sa soif) et l’âge des patients furent
évoquées.
Le rôle d’observateur, d’analyse et d’intervention de
l’ergothérapeute m’a apporté une aide à la compréhension de cette problématique
et de palier cette situation de handicap dans le but que la personne réalise
pleinement ses habitudes de vie. Il me semble par ailleurs judicieux de
préciser que la présence de l’ergothérapie en hémodialyse est récente et aucun
outil, aucune méthodologie n’a été mis en place concernant la gestion du
traitement médicamenteux. Ce projet a donc pour but de mettre en évidence les
actions menées par un ergothérapeute au sein de ce service afin d’améliorer
l’observance thérapeutique des patients.
L’échantillon est constitué de 7 patients dont 3 hommes et 4
femmes de 47 à 83 ans. Par ailleurs seuls 4 patients ont été suivis à long
terme, à 2 et 4 mois, suite au refus de poursuivre l’étude, un changement
brutal d’hôpital et un décès. La durée totale de l’étude étant décomposée en 3
temps : le premier concernant 2 mois d’insertion au sein du service et de
l’équipe du service et une évaluation au bout de 2 mois puis de 4 mois après ce
stage.
Dans un premier temps, l’observation des paramètres
biologiques ont permis aux médecins d’HD de suspecter une mauvaise observance à
un ou plusieurs traitements médicamenteux pourtant prescrits à la personne
hémodialysée. Par la suite, des discussions et une anamnèse furent
indispensables à la prise de contact avec la personne. Tout comme des
entretiens avec les proches de la personne où sont abordés les thèmes
concernant le rapport à la maladie, les conséquences de celle-ci et la présence
de l’hémodialyse dans la vie quotidienne, les répercussions physiques,
psychologiques et socioprofessionnelles. Le plan cognitif, émotionnel et
comportemental de chaque sujet sont ainsi analysés. Puis une évaluation à
l’aide d’un canevas et d’une mise en situation précédemment utilisé lors d’un travail portant sur la gestion
des médicaments en gériatrie aiguë : proposition d’une méthode
d’évaluation. Les mises en situation permettent de connaître les aptitudes des
personnes concernant la compréhension et la manipulation de divers types de
médicaments. La capacité de lire et gérer un pilulier est également entreprise.
Le second temps fut consacré à l’analyse des résultats et à
la mise en place d’un plan d’intervention individuel en insistant sur
l’éducation, l’information et l’écoute des sujets étant donné les résultats des
évaluations.
Effectivement, ces premières constatations ont démontré que
la principale raison de la mauvaise observance auprès des sujets étudiés concerne
le manque de connaissances concernant la maladie et/ou le traitement
médicamenteux. A quoi sert ce cachet
blanc, quels sont les effets du comprimé jaune ainsi que le petit carré que je
prends chaque soir ? Quel risque y’aurait-il a prendre la pilule rouge au
lieu de la pilule orange ? Et si je l’oublie ?
J’ai donc entrepris d’utilisé une approche guidant les
prises en charge : l’approche psycho-éducative. Comprenant une visée
éducative et thérapeutique, elle semble adéquate pour cette étude. Sa dimension
psychologique, importante dans une situation où le traitement de dialyse change
catégoriquement la vie quotidienne d’une personne, avec le travail de deuil lié
aux pertes que provoque la maladie, et une dimension comportementale grâce à
l’utilisation d’outils, à la fois pédagogiques et/ou thérapeutiques me semblent
nécessaire à l’observance.
Ainsi, ma réflexion s’est portée sur les thèmes à aborder
pour améliorer les connaissances des patients selon leurs attentes et besoins.
Cela m’a amené à identifier ces thèmes :
La nature de la maladie,
Les causes de la maladie,
Les symptômes de celle-ci,
Les traitements (dont la description de chaque médicament),
L’importance des proches de la personne,
Les conseils pratiques pour mieux vivre sa maladie et
Les services d’aides existants.
Comme tout professionnel (para)médical, l’ergothérapeute
doit mettre au point des prises en charge adaptées à chacun. Une explication
systématique des médicaments prescrits et leurs effets a également permis aux
personnes de s’intéresser davantage à ces pilules bleues, rouges ou blanches
grâce à l’intervention de médecins. Par exemple, la création d’un support écrit
sous type de brochure où se situe les informations concernant sa propre
maladie, ses raisons, ses symptômes, ses conséquences et les modalités de
traitement selon le niveau de compréhension et de familiarisation avec le
jargon médical de la personne fut mis en place avec le patient. Conseiller et
sensibiliser l’entourage permet également de stimuler la prise médicamenteuse et
de son importance tout comme être à l’écoute des besoins de la personne et de
ses proches.
L’accès aux connaissances fût l’une des priorités tout comme
l’adaptation de la gestion des médicaments grâce à une aide technique très
répandue mais pourtant peu adaptée aux capacités et besoins des personnes :
le pilulier. Connait-on vraiment tous les
types de piluliers présents sur le marché ? Lequel serait le plus adapté à
ma situation ? Quel est son coût ? Comment l’utiliser ? Des
questions que beaucoup se posent sans réponse concrète.
La stimulation par
la parole, l’écoute et surtout la présence au fur et à mesure des séances
d’hémodialyse fut également un élément indispensable à l’étude. Par exemple,
des oublis fréquents de prise des médicaments ont simplement été palliés grâce
à des alarmes dans le téléphone portable de celui-ci. Un homme au rythme de vie
actif avec des sorties au restaurant, chez des amis et avec sa famille se
sentait « gêné » d’apporter une trousse de médicaments chargée et contraignante
lors de ces sorties. Elle évoquait constamment le sujet de la maladie auprès du
cercle amical et familial. C’est pourquoi un pilulier à compartiments
détachables et au volume nécessaire compte tenu du nombre conséquent de
comprimés fut organisé avec l’aide des pharmaciens.
Il m’a fallu solliciter les relations entre
patients-soignants également pour perfectionner la vision de la personne
hémodialysée. Celle-ci doit davantage se sentir patient actif que malade
passif, et les soignants comme émetteur et destinataire d’informations.
Il ne faut pas oublier que toutes ces prises en charge se
sont déroulées au sein du box d’hémodialyse où se trouve 6 patients. Le manque
d’intimité n’incitant donc pas les entretiens davantage personnels, toutefois,
un climat de confiance s’est instauré et m’a permis de dialoguer avec chacun
des sujets. Les temps d’activités de type occupationnelles ont notamment permis
de se connaître l’un l’autre.
Après 2 mois au sein
du service, un laps de temps de deux mois supplémentaires puis de 4 mois a
permis d’évaluer à long terme la pertinence ou non de l’intervention
ergothérapeutique. Pour cela, j’ai utilisé un outil qui m’a semblé adéquat pour
connaître le point de vue essentiel des sujets à l’étude : un
questionnaire d’opinion comprenant le statut de la gestion des médicaments
(d’excellente à mauvaise), le niveau de connaissances du traitement
médicamenteux (d’excellent à médiocre) et des observations et commentaires
personnels. Evidemment, l’analyse des paramètres biologiques par les médecins
du service et des entretiens avec les patients et leurs proches ont aiguillé
les questionnaires d’opinion.
Il s’est avéré que deux mois après mon passage tous les
résultats sanguins se sont stabilisés (tout comme le poids des patients,
paramètre indispensable à la durée de la séance de dialyse), révélant selon les
médecins une observance thérapeutique.
Les questionnaires d’opinion ont quant à eux mis en évidence
que deux patients considéraient la gestion de leur traitement comme
« bonne » avant et après l’intervention. Les deux derniers
considéraient que celle-ci à évoluer de « mauvaise » à
« bonne ». Il est à noter que les raisons d’incompliance des deux
premières personnes sont des surdosages et une automédication pouvant
influencer la perception de leur gestion. Par rapport au niveau de
connaissances, les quatre personnes estimaient ne pas connaître leur traitement
avant le projet et considèrent à ce jour connaître l’effet de chaque médicament
prescrit.
Ces résultats montrent que des changements sont présents
tant au niveau de la perception de la gestion des médicaments que des
connaissances. Cependant, il reste complexe d’établir un lien objectif entre
ces changements de perceptions et l’observance thérapeutique, des facteurs
externes ou internes ont également pu l’influencer.
Dans cette perspective, les résultats démontrent que
l’intervention ergothérapeutique facilite l’observance thérapeutique.
L’ergothérapeute apporte une aide à la compréhension de l’indépendance et
l’autonomie dans la vie quotidienne et agit en complémentarité avec l’équipe et
la personne hémodialysée. Ce professionnel détient une implication dans
l’évaluation, l’adaptation de la gestion des médicaments mais aussi dans
l’explication, l’information et le conseil auprès de la personne et de son
entourage.
Néanmoins, je me rends bien compte que ce projet ne
représente qu’une pièce à l’édifice et suscite d’autres perspectives :
L’importance de l’éducation thérapeutique lors de maladie
chronique,
La validation d’une évaluation objective pour déterminer les
causes d’une mauvaise observance, les perceptions de la maladie et du
traitement ainsi que le niveau d’aide de l’entourage,
Obtenir des échantillons représentatifs et des outils
validés dans le but de quantifier le pourcentage de personnes incompliantes et
qualifier les raisons de cette non-observance,
la transposition d’un tel projet au niveau de toutes les
maladies chroniques car l’observance est une variable dynamique dans le temps,
elle peut être bonne ou mauvaise à tout moment et c’est le fruit d’un équilibre
physique, psychique, économique et social.
Outre l’intérêt porté à ce projet, cette immersion fût d’une
grande richesse autant professionnelle que personnelle. Mes études m’ont
pleinement permis de prendre conscience des conséquences d’une maladie chronique
et plus précisément lorsqu’un traitement par hémodialyse est entrepris. Ce
changement de vie important nécessite un suivi rigoureux de son traitement,
c’est pourquoi il me semble nécessaire de s’intéresser à ce sujet quelque soit
la profession occupée au sein du service afin d’obtenir une association des
compétences et de cibler la problématique au mieux.
Dans le cas de l’ergothérapie, c’est une profession peu
répandue en France au sein des services de dialyse. Et même si je porte un grand intérêt à celui-ci,
je me suis orientée après mon diplôme vers le secteur libéral en région
parisienne. En effet, c’est également une sphère peu connue de ce métier.
Beaucoup de personnes sont étonnées de rencontrer des ergothérapeutes exerçant
en libéral, pourtant, nous intervenons auprès de toute population en situation
de handicap afin de recouvrir une autonomie et une indépendance optimale.
Claire
LACROIX,
Ergothérapeute
L’intervention
ergothérapeutique dans l’observance théapeutique de personnes hémodialysées, LACROIX C., Travail de fin d’études
présenté en vue de l’obtention du titre de Bachelier en Ergothérapie, Année
académique 2011-2012, HELHa, Montignies-Sur-Sambre, Belgique, 65 pages
Je tiens à remercier tout particulièrement Lydie Bossaert et Danielle Dewandeler pour leur aide et leur disponibilité.
Je souhaite aussi remercier l’équipe d’hémodialyse de l’hôpital Erasme pour m'avoir apporté leur savoir, leurs expériences et pour m’avoir permis de m’intégrer au mieux.
Je tiens également à remercier les patients du service d’hémodialyse pour leur détermination et leur courage de chaque instant.
Enfin, je remercie ma famille et mes proches pour leur soutien, leur compréhension et leur présence permanente à mes côtés.
Je souhaite aussi remercier l’équipe d’hémodialyse de l’hôpital Erasme pour m'avoir apporté leur savoir, leurs expériences et pour m’avoir permis de m’intégrer au mieux.
Je tiens également à remercier les patients du service d’hémodialyse pour leur détermination et leur courage de chaque instant.
Enfin, je remercie ma famille et mes proches pour leur soutien, leur compréhension et leur présence permanente à mes côtés.
INTRODUCTIONL’insuffisance rénale chronique est une pathologie irréversible nécessitant une modalité de traitement précise. Des séances de dialyse, un traitement médicamenteux et quelquefois un régime alimentaire strict doivent être intégrés rigoureusement dans la vie de la personne insuffisante rénale chronique, modifiant le quotidien de celle-ci.
Toutes ces modalités de traitement requièrent donc une implication de la part du patient afin d’être efficaces. Dans ce contexte, une des problématiques rencontrées chez les patients insuffisants rénaux chroniques, et plus précisément les patients en hémodialyse itérative hospitalière, est la difficulté de gestion du traitement médicamenteux. Or les impacts de la non-observance sur une personne insuffisante rénale chronique peuvent être dévastateurs.
Dans le cadre de cette problématique, je me suis alors demandée : Comment l’ergothérapeute peut-il intervenir auprès des patients dialysés dans l’unité d’hémodialyse hospitalière afin d’améliorer l’observance de ces patients à leur traitement médicamenteux ?
La première partie de ce travail sera consacrée à la théorie avec un premier chapitre sur l’insuffisance rénale chronique. Ensuite, nous aborderons la personne hémodialysée ainsi qu’une de ses habitudes de vie : la gestion des médicaments. Enfin, un dernier chapitre nous permettra de présenter l’observance thérapeutique.
La deuxième partie s’intéressera à la pratique en proposant tout d’abord une brève présentation du service d’hémodialyse de l’hôpital Erasme ainsi que le rôle de l’ergothérapeute en dialyse. La méthodologie et les résultats seront présentés et une discussion objectivera les limites et les perspectives de cette étude avant une conclusion qui clôturera ce travail de fin d’études.
Il en découle qu’une meilleure connaissance de l’utilisation des médicaments ainsi qu’une adaptation de leur gestion pourrait contribuer à améliorer la sécurité et l’efficacité du traitement ainsi que l’indépendance de la personne face à son traitement.
Toutes ces modalités de traitement requièrent donc une implication de la part du patient afin d’être efficaces. Dans ce contexte, une des problématiques rencontrées chez les patients insuffisants rénaux chroniques, et plus précisément les patients en hémodialyse itérative hospitalière, est la difficulté de gestion du traitement médicamenteux. Or les impacts de la non-observance sur une personne insuffisante rénale chronique peuvent être dévastateurs.
Dans le cadre de cette problématique, je me suis alors demandée : Comment l’ergothérapeute peut-il intervenir auprès des patients dialysés dans l’unité d’hémodialyse hospitalière afin d’améliorer l’observance de ces patients à leur traitement médicamenteux ?
La première partie de ce travail sera consacrée à la théorie avec un premier chapitre sur l’insuffisance rénale chronique. Ensuite, nous aborderons la personne hémodialysée ainsi qu’une de ses habitudes de vie : la gestion des médicaments. Enfin, un dernier chapitre nous permettra de présenter l’observance thérapeutique.
La deuxième partie s’intéressera à la pratique en proposant tout d’abord une brève présentation du service d’hémodialyse de l’hôpital Erasme ainsi que le rôle de l’ergothérapeute en dialyse. La méthodologie et les résultats seront présentés et une discussion objectivera les limites et les perspectives de cette étude avant une conclusion qui clôturera ce travail de fin d’études.
Il en découle qu’une meilleure connaissance de l’utilisation des médicaments ainsi qu’une adaptation de leur gestion pourrait contribuer à améliorer la sécurité et l’efficacité du traitement ainsi que l’indépendance de la personne face à son traitement.